Les défis de l'intégration des immigrants dans le marché du travail au Québec : enseignements tirés d'une comparaison avec l'Ontario et la Colombie-Britannique
La crise économique des dernières années a affecté davantage les immigrants que les natifs : dans l'ensemble du Canada, le taux de chômage des immigrants a augmenté de 2,7 points de pourcentage entre 2008 et 2010 comparativement à 1,7 point pour les natifs. On note cette détérioration dans chacune des trois provinces étudiées et surtout en Colombie-Britannique : là-bas, le taux de chômage des immigrants a gagné 3,9 points de pourcentage entre 2008 et 2010. En Ontario, les immigrants ont vu leur taux de chômage s'accroître de 2,8 points de pourcentage durant la même période contre seulement 1,2 point au Québec.
L'écart de taux de chômage entre les immigrants du Québec et ceux de la Colombie-Britannique s'est nettement rétréci entre 2006 et 2010 en passant de 7,9 à 3,6 points de pourcentage. Cette tendance est attribuée à la grande détérioration de la situation des immigrants sur le marché du travail de la Colombie-Britannique.
Sur le plan du taux de chômage des natifs, le Québec se compare à la Colombie-Britannique et obtient des résultats supérieurs à ceux de l'Ontario. Il se compare également aux autres provinces canadiennes en matière d'intégration des immigrants qui ont acquis un diplôme d'études postsecondaires au Canada. Toutefois, cette province se distingue par un taux de chômage nettement plus élevé chez les immigrants qui ont obtenu un diplôme d'études postsecondaires à l'étranger (13 %) par rapport à ceux qui détiennent un diplôme canadien (7,8 %). Dans les deux autres provinces, le lieu d'obtention du diplôme intervient relativement moins dans l'accès à l'emploi : le taux de chômage des immigrants détenteurs de diplômes postsecondaires étrangers était de 9,7 % en Ontario et 7,6 % en Colombie-Britannique en 2010.
L'intégration rapide des nouveaux arrivants constitue un autre défi de taille pour le Québec. En 2010, le taux de chômage de ceux qui sont au pays depuis cinq ans ou moins atteignait 19,4 %, comparativement à 17,9 % en Ontario et à 13,8 % en Colombie-Britannique.
Une autre particularité du marché du travail québécois est qu'il est peu favorable aux immigrants peu instruits : en 2010, le taux de chômage de ceux qui n'avaient aucun diplôme s'élevait à 20,5 %, par rapport à 15,8 % en Colombie-Britannique et à 17,9 % en Ontario. À l'inverse, le taux de chômage des immigrants qui avaient un diplôme universitaire était de 9,4 % au Québec, de 9,0 % en Ontario et de 8,0 % en Colombie-Britannique. Ainsi, l'intégration dans le marché du travail au Québec et ailleurs n'est pas uniquement une question de reconnaissance des diplômes puisque ceux qui n'en ont pas ont généralement plus de problèmes à se trouver un emploi que les autres.
En dépit des difficultés d'intégration dans le marché du travail québécois, le pourcentage de nouveaux immigrants qui ont déclaré avoir eu des problèmes ou des difficultés à trouver de l'emploi est relativement moins élevé au Québec (63,8 %) qu'en Ontario (71,0 %) et en Colombie-Britannique (65,1 %). De l'avis des immigrants eux-mêmes, le manque d'expérience au Canada représente l'obstacle majeur à l'obtention d'un emploi (71,8 % au Québec, 74,4 % en Ontario et 64,1 % en Colombie-Britannique). C'est donc dire que l'accès à un premier emploi convenable est crucial pour l'intégration des immigrants.
Le deuxième obstacle à l'obtention d'un emploi se rapporte à la langue. À ce chapitre, des problèmes ont été soulignés par 49,7 % des nouveaux immigrants du Québec, comparativement à 42,3 % en Ontario et à 48,5 % en Colombie-Britannique. Il y a donc lieu de renforcer les programmes qui permettent aux immigrants de maîtriser la langue d'usage dans le marché du travail du pays d'accueil.
Qu'elle soit fondée ou non, la perception de l'existence d'une discrimination à l'embauche est évoquée par très peu d'immigrants, mais la proportion de ceux qui en ont parlé est légèrement plus élevée au Québec (21,8 %) qu'en Ontario (17,1 %) et en Colombie-Britannique (12 %). Ces pourcentages tombent à 7,4 %, 3,2 % et 3,1 % respectivement pour ce qui est des principaux obstacles à l'emploi.
C'est au Québec que le taux de surqualification des diplômés universitaires nés au Canada est le plus faible : il s'établissait à 34,9 % en 2010, comparativement à 42,7 % en Colombie-Britannique et à 40,1 % en Ontario. Les immigrants du Québec qui détiennent un diplôme universitaire canadien bénéficient eux aussi de cet avantage comparatif, puisque leur taux de surqualification (43,6 %) est inférieur à celui des immigrants de la Colombie-Britannique (47,9 %). Quant aux immigrants détenteurs d'un diplôme universitaire obtenu à l'étranger, ils sont 64,9 % à être surqualifiés par rapport à leur emploi au Québec, 64,6 % en Ontario et 70,2 % en Colombie-Britannique. Ainsi, les immigrants de cette dernière province bénéficient d'un plus grand accès à l'emploi que ceux du Québec, mais, dans la plupart des cas, les emplois qu'ils occupent ne s'arriment pas à leurs compétences. Au total, les natifs occupent plus souvent que les immigrants des emplois dans le secteur public et des postes syndiqués. Toutefois, on assiste à une amélioration de ces indicateurs d'emploi chez les immigrants entre 2006 et 2010.
C'est au Québec que le secteur public participe le plus à l'emploi des immigrants. En 2010, 16,5 % des immigrants salariés du Québec occupaient un emploi dans ce secteur comparativement à 14,9 % en Ontario et à 14,8 % en Colombie-Britannique. Par rapport à 2006, le poids du secteur public dans l'emploi des immigrants a augmenté de trois points de pourcentage au Québec, comparativement à moins de deux points dans les deux autres provinces. Par conséquent, on ne peut faire de reproches au gouvernement du Québec et à ses établissements en matière de recrutement d'immigrants.
Les immigrants optent de plus en plus pour le travail autonome et le font dans une plus grande proportion que les natifs. C'est en Colombie-Britannique que cette forme d'emploi est la plus répandue parmi les immigrants (21,4 % en 2010). Au Québec, 18,7 % des immigrants ont créé leur propre emploi (17,1 % en Ontario), et ce pourcentage est en nette progression par rapport à 2006, alors qu'il n'était que de 16,9 % (15,8 % en Ontario et 21,8 % en Colombie-Britannique). L'encouragement à l'initiative privée pourrait constituer un élément important des programmes d'aide à l'intégration dans le marché du travail.
Comme chez les natifs, le taux de syndicalisation dans l'emploi est nettement plus élevé chez les immigrants du Québec (32 % en 2010) que chez ceux de l'Ontario (24,7 %) et de la Colombie-Britannique (28,3 %), et cette proportion est en croissance constante (30,4 % au Québec en 2006). Le pourcentage d'immigrants qui occupaient un emploi permanent en 2010 était relativement moins élevé au Québec (84,9 %) qu'en Ontario (88,1 %) et en Colombie-Britannique (89,1 %). Quant à la proportion d'emplois à temps plein chez les immigrants, elle était de 83,6 % au Québec et 84,9 % en Ontario contre seulement 80,7 % en Colombie-Britannique.
Au chapitre de la rémunération, en moyenne, pour chaque dollar gagné par les natifs en 2010, les immigrants touchaient 0,93 $ au Québec et en Colombie-Britannique, et 0,95 $ en Ontario. Ces écarts ne tiennent pas compte des différences dans les caractéristiques des immigrants et des natifs. Les analyses multivariées permettent de conclure que les caractéristiques observables des immigrants du Québec sont loin d'expliquer les écarts qui existent entre ces derniers et les immigrants de l'Ontario et de la Colombie-Britannique au chapitre du taux de chômage. Par exemple, l'écart de taux de chômage entre les immigrants du Québec et ceux de la Colombie-Britannique au cours de la période 2006-2010 n'aurait baissé que d'un cinquième, si les deux provinces avaient reçu le même type d'immigrants. Cette baisse aurait été d'un tiers dans le cas de l'écart entre le Québec et l'Ontario. Ainsi, les immigrants du Québec doivent composer avec un taux de chômage qui est à la base plus élevé que dans les autres provinces. Cette situation pourrait refléter un comportement des employeurs qui est peu favorable à l'embauche des immigrants au Québec, comme elle pourrait traduire une faible disposition de ces derniers à réviser à la baisse leurs attentes en ligne avec les réalités du marché du travail.
Nonobstant les problèmes d'intégration évoqués dans ce rapport, l'immigration représente une contribution positive : 87,6 % des immigrants actifs de 15 à 64 ans 90,6 % de ceux qui sont des diplômés universitaires occupent un emploi et contribuent au développement socioéconomique du Québec.
L'immigration est sûrement importante pour favoriser la croissance démographique et pour fournir de la main-d'uvre au marché du travail. Toutefois, elle ne devrait pas diminuer l'importance des autres politiques qui ont un impact sur la taille et sur les compétences de la population active à court et à long terme. Le gouvernement devrait surtout continuer de favoriser l'investissement dans le système scolaire québécois, poursuivre sa lutte contre le décrochage scolaire et renforcer les mesures destinées aux familles pour augmenter le taux de natalité.